Laure Forêt
c’est de l’art rhizomique. C’est du côté des formes qui redisent ces petites veines qu’on a sous la peau, la sève qui circule dans les arbres et les plantes, c’est du côté des radicelles, nerfs, rigoles, affluents. Laure Forêt éprouve comment ça court sur les surfaces, sous les surfaces, quelque chose qui hydrate, ramifie, fendille, se déplie, se divise, se propage, rayonne, prolifère. Quelque chose que nous partageons, nous, humains, animaux, plantes, roches, terres, eaux, se laisse dessiner par l’artiste attentive. Si je plisse ma peau ou celle de quelqu’un d’autre, si je regarde de près des feuilles, des coquillages, si je m’absorbe dans le froissement d’une étoffe... Filaments, ensemble de filaments, mycelium, et l’araignée, et le vers à soie, la matière de leurs fils secrétée par leur corps.
Blancs immaculés, blanc cassé, d’autres tissus sont plus ivoire, plus crème, plus épidermiques, beiges cosmétiques des cellules du vitrail, transparence du voile, tissus mats, certains satinés, plis. Rouge vineux, cramoisi du velours, rouge brillant, variable, épais du verre, rouge anémone de mer des dessins en fil qui sont aussi orangés, orange corail. La gamme : blanc rouge, et tout cet entre deux qui renvoie à l’enveloppe des chairs et aux soins qu’on lui porte. Matité. Brillance. Transparence.
Les matériaux prennent le relais du corps, tout croît, flotte, pousse, retombe. Sous la terre, sous la peau, sous le regard aigu du microscope ça grouille de lignes. Pas en profondeur, juste en dessous, un sous épiderme du monde.
Texte de Christine Lapostolle